2014/12/15

Trop tôt - Jour 30


Chez Starbucks. Where else? Le jeune home au comptoir est seul. Trois personnes dans la file d’attente. À mon tour d’être servie. Polie, je baisse le volume et laisse pendouiller mon oreillette gauche.

- « Un mochaccino grande et un gruau s’il vous plait », je demande en souriant.
- « Un macchiato? », me reprend-il sans façon.
- « Non, mochaccino »
- « C’est un macchiato? »
- « … »

Il me fixe. Je le fixe. Musique de Twilight Zone dans ma tête. Extra-terrestre? Un nouveau? Quelle subtilité ai-je omise? C’est quoi cette question? Depuis quand les employés de Starbucks ne sourient pas? Pourquoi tous les autres comprennent quand je demande un mochaccino? Depuis quand c’est aux clients de connaître le menu par cœur? Et, yo, toi le jeune, tu sais quelle heure il est?

J’ai la mèche un peu courte ce matin, le service à la clientèle fragile.

Comme une pro, je pince les lèvres pour retenir mes sarcasmes et porte mon regard sur l’énorme menu lumineux situé derrière la caisse. Je trouve l’item, décrispe les lèves et envoie « un café mocha ». « Aaaahhhhhhhhhh! Un mo-chaaaaaaa ! », s’exclame le jeune homme.

Je salue la divinité qui est en lui en lieu de pouvoir gifler son impertinence. Maudit karma.

« Quelle grandeur? », il me demande. Je répète. Poliment. En trois langues. Je dis « Grande » en italien, « Moyen » en français et je pointe le verre correspondant sur le présentoir. Ses doigts s’activent sur la caisse. Je me détends, il a compris.

- « C’est tout ? »

Un ange passe.

- « Avec un gruau ».
- « Un gruau régulier? »
- « ... »

Il me fixe. Je le fixe. Je me demande mentalement à quoi ressemble un gruau irrégulier. Un gruau dans lequel je pourrais le noyer? Je re-pince les lèvres, j’ai le sarcasme vraiment fragile ce matin et porte mon regard sur l’encart promotionnel en face de lui. Il y est écrit « gruau » sous la photo d'un bol de l'appétissante et fumante mixture. Il me fixe toujours. J’étire le bras, agrippe l’encart, le lui montre. Ça semble suffisant, ses doigts se remettent à s’activer sur sa caisse.

Pendant que je repose l’affichette, une jeune fille arrive. Du renfort semble-t-il. On est maintenant quatre dans la file d’attente. Ça frôle le débordement à en juger son regard paniqué. « Tu sais comment faire du gruau » qu’il lui demande. « Euh… nnnon!» qu’elle répond du même ton que si on lui avait demandé de faire une petite brassée de lavage avec ça. Il la fixe. Elle le fixe. Je soupire. « Laisse tomber le gruau » que je dis. « Je vais prendre un muffin ».

Ce texte paraît dans le cadre du Défi 31 Jours.

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